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Ecrit entre 2015 et 2019, le corpus en trois parties Pièces de guerre en Suisse est constitué de scènes hétéroclites – monologues, dialogues, récits, listes… –, dont l'ordre reste modulable.
Le texte publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs correspond au montage élaboré en collaboration avec Maya Bösch (Création 2019, co-production Cie sturmfrei, Théâtre Vidy-Lausanne et Comédie de Genève).
Il représente un exemple d'agencement possible.
En parallèle à cette publication, les scènes "coupées au montage" sont ici téléchargeables, sous l'intitulé Scènes de réserve.
Dans sa version intégrale (c'est à dire scènes de réserve additionnées aux scènes figurant dans le livre), l'œuvre relève globalement d'un ensemble "réservoir" à l'intérieur duquel liberté serait laissée aux metteur·euse·s en scène, dramaturges, comédien·ne·s ou collectifs de création de puiser, en procédant à leur propre sélection-montage.
Les conditions d'autorisation pour l'adaptation et la représentation d'un montage inédit des Pièces de guerre en Suisse sont disponibles auprès de la SSA, Société suisse des auteurs.
Synopsis
Rétablissement de la peine de mort : Un parti conservateur et populiste suisse lance une initiative populaire pour le rétablissement de la peine de mort. Des voisins entrent en conflit autour d’une affiche de propagande. Des figures d’exécutés historiques en Suisse – civils et militaires – ressurgissent…
Les ennemis : Une habitante d’un pays occidental est victime d’une hallucination au cours de laquelle des agresseurs entrent chez elle pour la massacrer, elle et ses enfants. Au fil des situations qui suivent, il est question de l’Islam et du port du voile. Différents citoyens suisses racontent leur rapport aux personnes de couleur dans les transports publics… On passe par le Blausee, haut lieu touristique de l’Oberland bernois où affluent les touristes de la mondialisation, et on entend quelques confidences de Heinrich Rothmund, chef de la Division de police en 1942, responsable de la fermeture de la frontière aux réfugiés dépourvus de visa.
Grande paix : Des citoyens et citoyennes évoquent leur lien à la fondue. À la croûte appelée « religieuse ». À la fête de la lutte ou encore à la conseillère nationale Ada Marra. On les entend parler de filiation et d’éducation. Se demander, à propos des catastrophes ou des guerres, ce que signifie pays « proche » et pays « lointain ». Ils s’interrogent sur leur marge d’action politique, leur possibilité de résistance à l’économie de marché. Certains sont hyper conscientisés et engagés. D’autres sont naïfs, ignorants, incultes ou alors consentent, par passivité semi-complice, à la marche destructrice du monde. Mais aucun ne peut ignorer tout à fait les échos des grands conflits passés ou contemporains, les signes d’ébullition des violences à venir.
Note d’intentions
Structure
Pièces de guerre en Suisse est une trilogie théâtrale. Les parties qui la constituent s’intitulent respectivement : Rétablissement de la peine de mort, Les ennemis et Grande paix.
Sur ce corpus original se greffe un niveau méta-textuel, sous forme de notes de bas de page renvoyant à des extraits d’œuvre d’autres autrices et auteurs. Les extraits cités ont une fonction rhétorique et argumentaire lorsqu’ils viennent soit corroborer, soit contredire ou nuancer une pensée énoncée dans le texte principal. Il peut aussi s’agir d’une association libre, subjective de l’autrice, par sentiment d’analogie, souhait d’apparenter.
Type dramaturgique de l’œuvre / personnages
Il s’agit d’une collection de fragments qui sont thématiquement reliés, mais sans trame suivie (pas de fable). Les lignes conductrices y sont éclatées, et, même si quelques voix se font récurrentes, on ne peut reconnaître de véritables personnages (au sens d’individus fictifs pourvus de prénom, âge, origine, passé, attributs psychologiques etc).
Chaque scène ou presque amène une situation nouvelle, ses propres locuteurs, temporalité et enjeux.
Intentions dramaturgiques
Depuis le début de l’écriture, le titre Pièces de guerre en Suisse sert de programme. Mais pourquoi faire si explicitement référence à Edward Bond ?
Plutôt que d’annoncer une volonté de s’inscrire dans le sillon du dramaturge britannique, l’emprunt de ce titre célèbre vise surtout un effet de télescopage entre l’image de tranquillité et de neutralité véhiculée à priori par la Suisse, et le mot « guerre ». Un effet qu’on souhaiterait presque comique.
Dans cette curieuse confrontation entre la notion de « guerre » et de « Suisse » découlent toutes les thématiques de la pièce.
Qu’on parle du rétablissement de la peine de mort, de la question migratoire, de la solidarité avec des populations défavorisées ou de situations de consumérisme paisible en apparence, la chose explorée travaille toujours autour des représentations de la violence dans l’esprit d’un peuple qui n’a, de fait, pas ou très peu connu de conflits armés (Suisse comprise ici depuis 1840, en termes de population, territoire et Constitution moderne), mais dont le pays, n’étant pas aussi « étanche » que l’appellent à l’être les discours politiques les plus populistes et isolationnistes, participe financièrement, commercialement et politiquement à générer de la violence dans le monde.
C’est un texte qui cherche à travailler sur les contrastes, les glissements, les malaises, et qui questionne la possibilité de se sentir légitime quand on jouit d’une relative prospérité, de paix sociale et de pouvoir d’achat, tout en sachant que le monde est à feu et à sang, et que l’on sent chavirer de grands États démocratiques, dont certains sont voisins.
C’est la Suisse qui y est explorée en priorité, et sa conscience, mais idéalement le texte et le spectacle devraient pouvoir concerner les pays développés à économie de marché dans leur ensemble, par un mélange de spécificités nationales et, on l’espère, de motifs d’appartenance à une condition plus vaste.
Genèse et historique du projet
L’écriture du texte a été amorcée en janvier-février 2015.
En mai 2016, en vue de présenter avec la metteure en scène Maya Bösch le résultat d’un laboratoire dans le cadre du festival Écrire et mettre en scène aujourd’hui, produit par le Panta Théâtre de Caen, l’ouvrage a été remis sur le métier. L'autrice et la metteuse en scène ont procédé à son exploration durant une semaine, et présenté leur travail avec une équipe de cinq comédiens réunis par le Panta théâtre.
Cette expérience a été très stimulante, donnant l'impulsion d'un développement d'écriture. Dès ce moment-là, Maya Bösch a fait part de son intérêt à lancer une création avec sa compagnie Sturmfrei.
En mars et avril 2017, l'autrice a bénéficié d’une résidence d’écriture à Grenoble, à l’invitation conjointe de la MC2 : scène nationale et du collectif Troisième bureau, avec le soutien du Centre national du livre. Dans le cadre de cette résidence, elle a travaillé à ses Pièces de guerre, reprenant notes et idées initiales, et écrivant plusieurs dizaines de nouvelles scènes.
En juin 2017, Maya Bösch a exploré une nouvelle fois le texte, en l’état, avec les étudiants en master d’art dramatique de Mons.
Dès 2018, enfin, le travail au sein de la Cie sturmfrei a commencé avec la distribution et l'équipe de création du spectacle produit au théâtre de Vidy en novembre 2019, avec des représentations à la Comédie de Genève, au Théâtre Benno Besson d'Yverdon et au Théâtre Populaire Romand, la Chaux-de-Fonds.
Texte: Antoinette Rychner
Mise en scène: Maya Bösch
Scénographie: Thibault Vancraenenbroeck
Lumières:
Victor Roy
Son:
Rudy Decelière
Costumes:
Gwendoline Bouget
Masques:
Nagi Gianni
Régie générale:
Léo Marussich
Administration:
Anna Ladeira
Avec:
Barbara Baker
, Olivia Csiky Trnka,
Guillaume Druez
, Lola Giouse,
Fred Jacot-Guillarmod
, Laurent Sauvage,
Valerio Scamuffa
Production:
Compagnie sturmfrei
Coproduction:
Théâtre Vidy-Lausanne - Comédie de Genève
Avec le soutien de:
Loterie Romande - Fondation Ernst Göhner Stiftung - PRO HELVETIA, Fondation suisse pour la culture - SSA-SIS